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  • décembre 18, 2025
  • Category: Belmap, One Health

Rapport BELMAP : utilisation d’antibiotiques et antibiorésistance, qu’en est-il en médecine humaine ?


Le rapport BELMAP propose depuis 5 ans une synthèse annuelle des résultats des programmes de surveillance de l’usage des antibiotiques et de l’antibiorésistance existant en Belgique, aussi bien au niveau de la médecine humaine et vétérinaire que de la chaîne alimentaire et l’environnement, dans une approche One Health. L’objectif du rapport, outre la présentation des données de 2024 et des tendances à travers les différents secteurs, concerne l’identification d’éventuelles lacunes de la surveillance et la formulation de recommandations pour les combler. La surveillance est en effet nécessaire pour suivre l’efficacité des programmes de lutte contre les infections et l’antibiorésistance et les améliorer le cas échéant. En ce qui concerne l’antibiorésistance, les indicateurs primaires utilisés en médecine humaine ont augmenté au-delà des niveaux cibles nationaux entre 2022 et 2024, soulignant la nécessité d'une vigilance continue. Trois des six indicateurs secondaires montrent aussi une tendance à la hausse. Les trois autres montrent une stabilité ou une fluctuation sans tendance à la hausse ou à la baisse. Les chiffres concernant les animaux ayant déjà été présentés en juin et exposés dans le bulletin d’information AMCRA précédent, nous présentons ici les chiffres et tendances du secteur humain.

Utilisation des AB chez les humains

La surveillance de la consommation chez les humains se base sur l’utilisation en hôpital et en soins ambulatoires des antibiotiques systémiques remboursés. L’indicateur utilisé pour la consommation d’antibiotiques est le nombre de doses définies journalières (« Defined Daily Dose » - DDD) utilisées par jour pour 1000 habitants (« Defined Daily Dose per 1000 inhabitants per day » - DID). On mesure aussi la proportion d’utilisation d’antibiotiques à spectre étroit par rapport à celle d’antibiotiques à large spectre et la proportion d’antibiotiques classés par l’OMS dans sa catégorie « Accès » par rapport à ceux faisant partie des catégories « À surveiller » et « Réserve ». Globalement, l’évolution est positive ou stable mais encore trop éloignée des objectifs des instances sanitaires nationales, européennes ou mondiales fixés pour préserver l’efficacité des antibiotiques.

L’évolution de l’utilisation d’antibiotiques est indiquée à côté des figures dans le rapport BELMAP par des flèches indiquant la tendance pour l’ensemble de la période étudiée.

Utilisation globale hôpitaux/soins ambulatoires des antibiotiques systémiques en 2024

En 2024, le nombre de DID s’élevait pour les antibiotiques systémiques remboursés, utilisés aussi bien en hôpital qu’en soins ambulatoires, à 20,6, un taux en baisse par rapport à 2019 (21,4 DID) mais encore éloigné de celui de 17,5 visé par le Conseil européen pour 2030.

Utilisation des antibiotiques « Accès » par rapport aux AB « À surveiller » et « Réserve »

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a établi une classification des antibiotiques en trois groupes afin notamment d’en favoriser un usage optimal. La classification AWaRe distingue les antibiotiques “Access” (“Accès”), à la fois efficaces contre un large éventail de pathogènes fréquents et sensibles et dont le potentiel de résistance est moindre que celui des médicaments classés dans “Watch” (“À surveiller”) et “Reserve” (“Réserve”).

La consommation d’antibiotiques « Accès » en 2024 représentait 68,4 % de la consommation totale d’AB, affichant une hausse par rapport à 2019 (67,9 %) et un résultat supérieur à l’objectif de 65 % fixé par le Conseil européen pour 2030, mais inférieur à celui de 70 % fixé par l’OMS.

Utilisation en soins ambulatoires

La consommation en soins ambulatoires est restée stable par rapport à 2023 (19,01 DID en 2024, soit - 0,7 %) et a diminué de 3,9 % par rapport à 2019 (19,775 DID), la situation prévalant avant la pandémie de Covid 19, où on a vu une réduction notable de la consommation (- 22,9 % en 2020 par rapport à 2019). Cependant, cette réduction se situe très en deçà de l’objectif belge pour 2024 de – 40 % par rapport à 2019.

Utilisation d’antibiotiques à spectre étroit

L’évolution du ratio général entre l’utilisation d’antibiotiques à spectre étroit et celle d’AB à large spectre est positive bien que l’objectif visé par la BAPCOP (la Commission belge de coordination de la politique antibiotique) pour le ratio amoxicilline/amoxicilline + acide clavulanique soit loin d’être atteint (le ratio en 2024 est de 54:46 - le même qu’en 2013 même s’il a légèrement augmenté ces trois dernières années - alors que l’objectif fixé est de 80:20). De même, l’utilisation de fluoroquinolones a baissé un peu par rapport à 2023 mais sans atteindre l’objectif (5,9 % de tous les AB systémiques pour un maximum visé de 5 %).

Utilisation dans les hôpitaux généraux

Les DID (543,3 en 2023) y ont augmenté de 15,3 % au cours de la dernière décennie. Des différences importantes d’utilisation sont toutefois observées selon la catégorie d’hôpital (général, spécialisé, psychiatrique, de 1ère, 2e ou 3e ligne).

La proportion d’utilisation des AB à spectre large par rapport à ceux à spectre étroit est stable (28,4 % en 2024), mais il existe des différences significatives selon le type d’hôpital et le type d’antibiotique.

Résistance antimicrobienne des agents pathogènes chez les humains

BELMAP a légèrement modifié les indicateurs de résistance clés utilisés par l'ECDC, l’EFSA et l’EMA en fonction de leur importance clinique en Belgique. Les données sont collectées rétrospectivement (année -1) et agrégées au niveau de l'hôpital.

Indicateurs primaires

Les indicateurs primaires reflètent globalement la situation. Depuis 2012, la proportion d’isolats de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM) a diminué dans les hôpitaux généraux belges, bien que sa baisse ait ralenti ces 5 dernières années et même augmenté dans certaines régions. La proportion d’isolats invasifs d’Escherichia colirésistant aux céphalosporines de 3e génération a quant à elle augmenté jusqu’en 2019 mais connaît depuis une stabilisation. Enfin, la prévalence de Klebsiella pneumoniae résistant aux carbapénèmes a augmenté significativement au cours de la période étudiée pour atteindre 2 % en 2024.

Indicateurs secondaires

Les indicateurs secondaires fournissent des informations sur des questions plus spécifiques mais importantes pour la santé publique, ou sur des domaines qui ne sont pas entièrement couverts par les indicateurs primaires.

La proportion de souches de Klebsiella pneumoniae multirésistantes (MDR) invasives résistant aux céphalosporines de 3e génération, aux aminoglycosides et aux fluoroquinolones fluctue au cours de la période 2012-2024, alors qu’en Europe, elle diminue. On n’observe de tendance ni à la hausse ni à la baisse de la proportion de P. aeruginosa invasives résistant au carbapénèmes mais il y a des variations significatives d’une année à l’autre. Pas non plus de tendance à la hausse ou à la baisse de la prévalence de la résistance d’E. coliprovenant d’échantillons d’urine à l’égard de la ciprofloxacine.

Parmi les souches invasives de S. pneumoniae, une résistance plus élevée à la pénicilline a été observée au cours des cinq dernières années, après une période assez stable d'environ 10 % entre 2011 et 2019. La méthodologie d'interprétation des résultats des tests de sensibilité, modifiée à partir de 2019, peut cependant avoir contribué à ce résultat. La prévalence de la résistance de cette bactérie aux macrolides a augmenté pendant la pandémie, mais est revenue en 2022 et 2023 à un taux d’environ 15 %, observé de manière constante pour la période 2015-2019, avant d'augmenter à nouveau pour atteindre 16,9 % en 2024. Un autre indicateur secondaire, la résistance à la vancomycine chez E. faecium, montre une tendance similaire, avec des réductions globales mais des niveaux plus élevés au cours des cinq dernières années.

Objectifs de réduction

Le Conseil européen définit également des objectifs de réduction de l’incidence des infections du sang causées par certains agents pathogènes résistants clés d'ici 2030. Pour chaque agent, un objectif de réduction par rapport à 2019 est fixé au niveau européen, et pour atteindre cet objectif, un objectif spécifique par pays a également été déterminé. La Belgique doit réduire l’incidence du SARM de 6 %, d’E. coli résistant aux céphalosporines de 3e génération de 12 % et de K. pneumoniae résistant au carbapénème de 2 %.

Les trois indicateurs ont augmenté au-delà des niveaux cibles nationaux entre 2022 et 2024, soulignant la nécessité d'une vigilance continue.

Plus d’informations

Pour obtenir toutes les informations sur l’utilisation des AB chez les humains et les animaux ainsi que l’ensemble des données relatives à l’antibiorésistance en Belgique, sans oublier la description des méthodologies utilisées, consulter le rapport complet du BELMAP ici.

La version interactive du rapport permet d’accéder directement à des informations qu’on peut cibler aisément grâce à un organigramme de mots-clés.