- février 11, 2020
- Category: EMA catégorisation d'antibiotiques
L’Europe catégorise les antibiotiques pour favoriser leur usage prudent chez les animaux
Les antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire ont été classés en quatre catégories, A, B, C et D. Deux critères sont entrés en ligne de compte, d’une part les conséquences possibles pour la santé humaine d’une augmentation de l’antibiorésistance de ces antibiotiques par leur utilisation chez les animaux et d’autre part leur utilité pour la médecine vétérinaire.
Les nouvelles catégories sont le fruit de la collaboration de différents groupes d’experts en médecine vétérinaire et en médecine humaine. L’Agence européenne du Médicament (EMA) demande aux vétérinaires d’utiliser cette classification comme un fil conducteur pour assurer des choix responsables. Cette catégorisation ne représente pas une directive impérative, étant donné qu’il faut toujours tenir compte dans les choix thérapeutiques des informations mentionnées sur les notices des produits autorisés.
LES CATÉGORIES
Catégorie A: "AVOID"
La catégorie « Avoid » comprend des antibiotiques qui ne sont pas autorisés pour les animaux. Il s’agit entre autres des carbapénèmes, de la rifampicine, de la vancomycine.
Ces antibiotiques ne peuvent jamais être utilisés chez les animaux producteurs de denrées alimentaires et ne peuvent l’être que dans des circonstances exceptionnelles chez les autres animaux (les animaux de compagnie).
AMCRA a consacré un récent avis,« Utilisation d'antimicrobiens à usage humain chez les animaux », aux circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier l’usage de ces antibiotiques et aux procédures à suivre scrupuleusement dans ces cas.
Étant donné que ces substances ne sont pas autorisées pour les animaux, elles ne sont pas reprises dans le vade-mecum d’AMCRA.
Catégorie B: "RESTRICT"
La catégorie « Restrict » reprend les antibiotiques d'importance critique les plus prioritaires pour l’être humain. Il s’agit des 3e et 4e générations de céphalosporines, des quinolones et des polymyxines, avec la colistine et la polymyxine B. Leur utilisation chez les animaux doit donc être limitée aux cas où les antibiotiques de catégories inférieures ne sont plus efficaces. Leur usage se basera donc idéalement sur les résultats d’un test de sensibilité.
En Belgique, l’usage des céphalosporines des 3e et 4e générations et des quinolones est réglé par la loi (AR du 21 juillet 2016 relatif aux conditions d'utilisation des médicaments par les médecins vétérinaires et par les responsables des animaux). Cette législation est d’application pour les animaux producteurs de denrées alimentaires (sauf pour le cheval et elle ne concerne pas les médicaments à usage intramammaire). AMCRA préconise d’appliquer à toutes les espèces animales les conditions d’utilisation que cet AR impose.
Les céphalosporines des 3e et 4e générations et les quinolones ont un code de couleur AMCRA rouge. Les conditions d’utilisation liées à ce code sont valables pour toutes les espèces animales.
En ce qui concerne les polymyxines, il n’y a pas en Belgique de dispositions légales réglant leur utilisation chez les animaux ; elles n’ont pas non plus le code de couleur rouge. On s’efforce cependant d’observer la recommandation du comité européen « Committee Medicinal Products for Veterinary Use ». Ce dernier préconise de limiter l’utilisation de colistine à 1 mg par kg de biomasse pour les pays de l’Union européenne qui en font une consommation modérée (parmi lesquels se compte la Belgique) (EMA, 2016). Les derniers chiffres de BelVet-SAC concernant la Belgique donnent pour 2018 une utilisation de colistine en médecine vétérinaire de 1,69 mg/kg de biomasse. L’avis d’AMCRA « Usage de la colistine en médecine vétérinaire suite à la classification de la colistine comme antibiotique d’importance critique à priorité majeure chez l’homme » décrit des mesures qui peuvent être prises pour restreindre l’usage de colistine. Dans les lignes directrices d’AMCRA, la colistine n’est pas indiquée comme produit de 1er choix.
Catégorie C: "CAUTION"
Au sein de cette catégorie « Caution » figurent les antibiotiques pour lesquels des alternatives existent pour le traitement d’infections bactériennes chez l’homme.
De manière générale, ces antibiotiques ne peuvent être utilisés que chez les animaux pour lesquels aucune alternative dans la catégorie D n’est efficace cliniquement.Se trouvent entre autres dans la catégorie C des aminoglycosides (à l’exception de la spectinomycine qui est en catégorie D), des aminopénicillines en combinaison avec un inhibiteur bêta-lactamase (par exemple l’amoxicilline + l’acide clavulanique), des macrolides, des lincosamides, du florfénicol.
AMCRA a attribué dans ses lignes directrices un code de couleur jaune au florfénicol, qui est indiqué la plupart du temps comme substance de 1er choix en raison de son importance comme moyen de traitement contre les infections respiratoires chez les bovins et les porcs. Les pleuromutilines (code couleur AMCRA jaune) sont recommandées en tant que 1er choix pour le traitement de la dysenterie chez les porcs. Cette molécule est également de préférence réservée au traitement de cette affection en raison du développement rapide de l’antibiorésistance de Brachyspira spp.
Les céphalosporines de 1ère et 2e générations ont un code de couleur AMCRA jaune et sont présentées comme des substances de 1er choix.
Tous les antibiotiques, quelle que soit leur catégorie, ne doivent jamais être utilisés lorsque ce n’est pas nécessaire et les longs traitements doivent être évités.
Chaque traitement antibiotique conduit à une sélection d’antibiorésistance ! Il ne faut donc traiter avec des antibiotiques que quand c’est nécessaire. Et les antibiotiques de catégorie D ne font pas exception à la prudence avec laquelle il faut toujours agir avec les substances antibactériennes.
Catégorie D: "PRUDENCE"
Les antibiotiques de la catégorie D « Prudence » peuvent être utilisés comme substances de 1ère ligne, mais comme toujours, uniquement si nécessaire. On y trouve les sulfamides, triméthoprime, spectinomycine, pénicillines à spectre étroit, métronidazole, aminopénicillines sans inhibiteur de bêta-lactamase…
Les aminopénicillines, comme l’amoxicilline et l’ampicilline, ont un code AMCRA de couleur orange et ne sont donc pas repris dans le vade-mecum d’AMCRA parmi les substances de 1er choix à cause de la possible sélection d’organismes producteurs de « bêta-lactamases à spectre étendu » (BLSE) / AmpC. Les aminopénicillines sont également considérées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme antibiotiques d’importance critique les plus prioritaires pour les êtres humains.
Les tétracyclinesont un code de couleur orange et ne sont, dans les lignes directrices d’AMCRA, de préférence pas utilisées comme 1er choixà moins qu’aucune molécule de 1er choix ne soit disponible ou encore efficace cliniquement.
AUTRES FACTEURS D'INFLUENCE
Lorsqu’on décide d’utiliser un antibiotique, on choisira de préférence un mode d’administration selon l’ordre présenté ci-dessous.
Le mode d’administration 1) est celui qui a le moins d’impact sur la sélection et la diffusion de l’antibiorésistance par rapport au 2) et au 3) qui en a le plus :
1) Un traitement local et individuel (par exemple une seringue intramammaire, des gouttes oculaires ou auriculaires)
OU
un traitement parentéral et individuel (par voies intraveineuse, intramusculaire ou sous-cutanée)
sont les modes d’administration qui ont moins d’impact que :
2) un traitement oral et individuel (par exemple des comprimés ou un bolus oral)
OU
un traitement de groupe par injection (métaphylaxie), uniquement quand il est justifié,
qui ont à leur tour moins d’impact que :
3) un traitement de groupe oral via l’eau ou le lait d’abreuvement (métaphylaxie), uniquement quand il est justifié,
OU
un traitement de groupe oral via l’alimentation ou des prémélanges médicamenteux (métaphylaxie), uniquement quand il est justifié.